描述
Kuffjca Cozma est née en 1962 à Tiraspol, capitale de la Transnistrie, enclave russe de la République de Moldavie. Sa mère est roumaine et son père russe.
Elle vit en Romanie jusqu’à 16 ans puis s’installe à Tiraspol pour terminer ses études dans le domaine électronique.
A cause des difficultés économiques, sa famille lui impose de travailler comme guichetière, pour les Chemins de Fer de l’Etat moldave. A partir de 18 ans, elle commence à dessiner sur des papiers recyclés qu’elle détruit tout de suite.
Sa vie change brusquement à 23 ans, en 1985, car une collision entre un train et une locomotive lui défigure le visage et la réduit à l’immobilité.
Kuffjca va alors tout sa vie, profondément traumatisée, dans la solitude, à l’intérieur d’un petit appartement d’où elle sort rarement.
Ses dessins sont remplis de traits noirs épais et de spirales de mots, dont on ignore la signification.
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KUFFJCA COZMA
Kuffjca Cozma fait partie de ces artistes évoluant aux marges de la société, ayant une vie marquée par de grands traumatismes, auxquels le langage a donné une coupure d’autant plus profonde et qui n’ont pas cette capacité de se défendre et de dompter le mal qui les ronge, lequel apparaît dès lors beaucoup plus marqué dans leurs œuvres. En observant les dessins de Cozma, apparaît comme un tourbillon qui aspire, attirant tout vers lui sans aucune issue. C’est ce trou noir qui nous observe et nous perturbe. C’est tout cet infini sans contours que l’artiste et nous-mêmes essayons de délimiter.
Cozma a été victime lorsqu’elle était jeune d’un très grave accident du travail qui lui a défiguré le visage et l’a réduite à l’immobilité. Il serait possible de nous approcher de son art même sans de tels évènements, mais ces derniers nous permettent de comprendre cette angoisse infinie si présente dans ses dessins.
La question est donc : pourquoi l’artiste crée-t-il ? Dans « La naissance de la tragédie » Nietzsche affirmait que la vie, pour se supporter elle-même, a besoin de l’art.
Pourquoi Cozma a-t-elle décidé un jour de prendre un crayon noir et de gribouiller sur une feuille ? Pourquoi au lieu d’un simple gribouillage ce qui en résulte est quelque chose de complètement nouveau et inattendu ? Pourquoi Cozma, lorsqu’elle gribouille, ne se rend-t-elle même pas compte que ce qui est sorti de ses mains est quelque chose que quelqu’un appelle Art ? Ou peut-être qu’elle s’en rend compte. Je suis certain que celui qui crée, pendant qu’il le fait, réalise qu’il est en train de se dédier à quelque chose qui est bien plus qu’un simple passe-temps, qu’un névrotique besoin de bouger la main. L’artiste n’a probablement pas conscience, que ce qu’il a sous la main est quelque chose qui dérive de sa rencontre avec l’infini. Mais l’artiste ne se bloque pas face à une telle présence, il ne tente pas non plus de l’englober. L’artiste tente de le représenter. L’art se configure alors comme un autre langage dont la coupure n’insère pas l’homme dans un ordre symbolique et social, mais ouvre un champ sur le réel.
Pour tenter de répondre à toutes ces interrogations et hypothèses, j’ai demandé à Cozma pourquoi elle crée et ce qu’elle voit dans ses « dessins ». Elle m’a répondu cela : Ceux que tu appelles « dessins » sont mes signes, sur le papier, ils se succèdent sans représenter quelque chose, mais uniquement pour décrire ce que je ressens au moment où je trace des lignes. Je ne vois rien dans mes dessins, quand le signe a fini de se déployer je vois la chose finie, et cette chose me représente très souvent. Sa réponse a confirmé mes idées mais m’a également fait prendre conscience du fait que rien ne tombe du ciel, pas même les meilleures intuitions, il y a toujours un intense travail de fond, dans chaque phénomène, naturel, psychologique et artistique. Les résultats sont uniquement le dernier maillon d’une infinie chaîne de processus invisibles, imperceptibles, inconscients. Des processus qui prennent forme, dans le cas de Cozma, uniquement dans ses dessins qui parlent de souffrance, de traumatismes subis, de douleur, de solitude, de nécessité de combler un vide, du corps d’une femme mutilé par la vie. Ce corps ne nous est pas présenté nu, cru et sanglant (ce qui porterait à la destruction de tout sentiment esthétique), mais nous le voyons quand même, et c’est justement pour cela qu’on le voit d’autant mieux. Des traits noirs épais et profonds, des spirales de mots desquelles j’ignore la signification, tentent de tracer un contour à quelque chose qui en est dépourvu. Les formes qui évoquent les organes génitaux sont évidentes, ces derniers étant également pris au piège entre des spirales, des lignes et d’autres formes aux contours arrondis, doux… des formes féminines. Une féminité réduite en morceaux.